Echange avec un créationniste adventiste
Vous parlez de catégories, comme si la science telle que vous l’entendez était infaillible. Pour en venir aux conclusions auxquelles vous parvenez, il faut tout d’abord partir d’un présupposé. Vous partez de ce que vous connaissez déjà et en tirez des conclusions hâtives. Non, la théorie de l’évolution n’est pas prouvée. Pourquoi tant d’obstination à rejeter le modèle créationniste. Si vous reconnaissez que les deux modèles sont possibles, alors vous n’éliminez aucune hypothèse. La démarche correcte consisterait à chercher sur le terrain des preuves qui confirment la théorie évolutionniste, comme de chercher des preuves qui confirment la théorie créationniste. Si vous ne cherchez que selon un angle de recherche, vous trouverez seulement ce que vous voulez trouver. A ce jour, il n’y a pas assez de preuves pour accepter la théorie de l’évolution.
Je vous invite à lire mon dernier article, en réponse à Stephen Hawking http://www.avraidire.eu/2010/09/et-si-stephen-hawking-se-trompait/
Plus important encore, regardez cette vidéo de Serge Tarassenko; un scientifique chrétien spécialisé dans la recherche nucléaire -le documentaire est assez vieux mais toujours d’actualité http://www.avraidire.eu/2010/04/dieu-ne-se-prouve-pas-il-se-rencontre/
J’ai d’autres choses à vous dire mais cela suffit pour un seul commentaire.
Si vous êtes vraiment quelqu’un d’ouvert, vous regarderez les vidéos avant de répondre.
Ma réponse:
Désolé pour la longueur de la réponse mais les points abordés sont nombreux et méritent
un minimum de développement. Je vais donc m’efforcer d’être à la fois complet et concis.
Pour info, ma réponse prend en compte l’interview de Serge Tarassenko qui ne m’est pas inconnu, j’ai déjà eu l’occasion de regarder la vidéo en question il y a quelques années.
(voir point 6 pour quelques développements)
1. Si vous faites référence à mon dernier message où je conclus à l’inconsistance du dogme de la création, je ne vois pas sur quel présupposé se base mon raisonnement, il s’agit d’une simple analyse logique du concept de création tel qu’il est conçu par les croyants et pris à la lettre par les créationnistes.
Par ailleurs, rien dans votre réponse n’est en mesure de réfuter ce raisonnement.
Voir:
Dieu, ce masque de notre ignorance ou la grande illusion d'un créateur
2. La science et l’infaillibilité.
Vous dîtes que je considère la science comme « infaillible ».
Mais nous ne parlons pas ici de dogme et donc de l’infaillibilité de l’Eglise, ce terme est bien mal approprié pour parler de la science, car encore faudrait-il préciser qu’est-ce qui dans la science peut être considéré comme infaillible… Ses résultats ?
Sûrement pas puisqu’ils peuvent s’avérer temporaires, des théories peuvent être abandonnées, corrigées, complétées, ce qui est le quotidien de toute démarche scientifique.
Si quelque chose peut être considéré « d’infaillible » (pour reprendre votre expression) dans la science, il s’agit à mon avis de ses fondements épistémologiques exclusivement, mais dans ce cas, le terme « rigueur » serait plus adéquat.
En outre, la méthode scientifique ne préjuge d’aucun résultat à l’avance, dès lors, comment la notion de faillibilité pourrait la concerner ?
3. Un peu plus loin, vous enchaînez (sans aucun lien de cause à effet) sur la théorie de l’évolution et les sempiternels sophismes créationnistes :
« Non, la théorie de l’évolution n’est pas prouvée »,
« Il ne faut éliminer aucune hypothèse, si vous ne cherchez que selon un angle de recherche vous trouverez seulement ce que vous voulez trouver. »
Je n’entrerai pas dans un débat sur la théorie de l’évolution avec un créationniste, pour la simple raison qu’il n’existe tout simplement pas de débat sur la question de l’évolution biologique, des milliers de faits issus de disciplines multiples la confirment depuis 150 ans.
(référence : Le guide critique de l’évolution – Guillaume Lecointre)
Quant à la théorie synthétique de l’évolution (qui est une modélisation de cette réalité de l’évolution biologique), elle s’affine au gré des découvertes, tout comme la théorie climatologique, où est le problème ?
Pour l’heure, il semble bien que la théorie sur la couleur noire des corbeaux soit correcte. (humour)
Par ailleurs, si les scientifiques finissent par trouver ce qu’ils cherchent, nombre de découvertes fondamentales ont souvent été faites par hasard ! (le fond diffus cosmologique qui montre un univers en expansion, découvert en 1965 par Penzias et Wilson, par exemple)
Or, s’agissant de la théorie de l’évolution, jamais aucune trace d’un créateur divin n’a pu être mise en évidence. Dieu est définitivement non testable.
4. Plus généralement, il me semble que vous faites une grave confusion en opposant des catégories qui par nature n’ont pas d’interconnections. (science et foi)
Vous savez, je ne suis sûrement pas le premier à vous le dire, mais on peut être croyant et accepter dans le même temps les données scientifiques, je n’y vois pas d’incompatibilité théorique mais simplement pratique pour certains, dont vous semblez faire partie, lorsqu’un fondamentalisme exacerbé amène à rejeter ou occulter une réalité que la raison est en mesure d’appréhender.
5. Votre réaction à l'article de Stephen Hawking.
Quand Stephen Hawking suggère que l’Univers a pu émerger spontanément, sans cause surnaturelle, il faut préciser « à partir du vide quantique » et pas à partir de rien ou du néant,
la nuance est fondamentale.
En effet, je ne pense pas que Stephen Hawking ait fait la démonstration de la violation de la 1ère loi de la thermodynamique, ou sinon, qu’on se le dise !
Cette nuance induit tout simplement que le vide quantique est une entité physique (dont on ne sait pas encore grand chose) mais dont nous pouvons percevoir l’action bien réelle en laboratoire. (voir physique quantique et l’effet Casimir)
Et il se pourrait bien, en définitive, que cette entité, tout comme la matière noire et l’énergie sombre renferment nombre de secrets touchant, entre autre, à certaines de nos préoccupations métaphysiques. (pourquoi existe-il quelque chose plutôt que rien, l’espace-temps n’est-il que la partie émergée de la réalité, existe-t-il des dimensions cachées, l’univers est-il unique, pourquoi notre univers est biophile, comment sont définies les conditions initiales d’un Big Bang, etc…) autant de questions qui, aujourd’hui commencent à quitter le champ de la métaphysique pour entrer dans le champ de la science. (physique théorique)
Vous abordez ensuite la question de l’agent, qui seul, serait en mesure de créer.
Mais vous semblez oublier les propriétés d’auto-organisation de la matière qui expliquent aussi bien la formation des flocons de neige, celle des molécules organiques que l’apparition de la vie. Même si la recette exacte n’est pas encore connue à ce jour, il n’y a pas d’obstacles théoriques à ce que la vie puisse un jour être synthétisée de toute pièce et en quelques jours, voire en quelques heures.
(Référence : Et l’homme créa la vie – Joel de Rosnay)
Votre exemple de l’avion tendant à montrer que la complexité ne peut pas émerger de structures plus simples est obsolète, vous avez dû le ressortir d’un vieux placard créationniste, rangé à côté d’un manuel traitant de la complexité irréductible mais qui n’a d’irréductible que l’ignorance sur laquelle elle se fonde. Cet exemple me fait penser à cette montre en pièces détachées qui aurait toutes les peines du monde à se remonter toute seule par hasard.
(vu sous cet angle, bien évidemment)
Mais il y a 3 choses que ne font ni un avion, ni une montre, et qui ne sont pas des choses vivantes :
- ça ne se reproduit pas,
- ça ne subit pas de mutations,
- ça n’est pas sujet à la sélection naturelle.
Dès lors, votre analogie relève du sophisme.
Un peu plus loin, vous dîtes : « Loin d’être en conflit avec la science, la foi chrétienne est tout à fait compatible avec elle. »
Je suis bien d’accord, pourvu que soit précisé « une foi raisonnée ».
Mais cette position n’est pas celle des créationnistes qui ne pratiquent pas une lecture herméneutique mais littérale de la Bible.
Un peu plus loin, on peut lire, je cite :
« Même si cela déplaît aux athées, le Big Bang correspond complètement au récit de la Genèse dans la Bible. »
Pour affirmer ceci, vous n’avez pas dû comprendre ce qu’est réellement le Big Bang.
Vous semblez occulter également ce qui est dit dans la Génèse :
« Au 1er jour furent créés le ciel et la Terre, les plantes furent créées au 3ème jour et le soleil au 4ème jour »
Donc, si on en croit la Génèse, la Terre fut créée au 1er jour (avant qu’existent les étoiles de seconde génération capables de fusionner des atomes lourds nécessaires à la formation de planètes), les plantes sont apparues avant le soleil (mais bigre… Comment donc s’est formée la chlorophylle en l’absence de photosynthèse ???)
D’autre part, aucun astrophysicien n’a jamais considéré que le Big Bang a surgi du néant sous l’impulsion d’une cause surnaturelle. Le Big Bang est simplement le nom donné à l’état initial de l’univers extrêmement dense et chaud, à l’époque où il n’était qu’une singularité au regard des lois physiques que nous connaissons. On peut remarquer également que le temps ainsi que l’espace sont apparus avec le Big Bang. A cet égard, il s’agit d’une sorte de non évènement (ou disons d’un méta-évènement) unique, en ce sens qu’un évènement « classique » se défini dans l’espace-temps, chose impossible avec le Big Bang !
Vous voyez, votre raccourci [Big Bang = Génèse = cela déplaît aux athées] mérite pour le moins un ferme recadrage, pour ne pas dire qu’il relève d’un sophisme de plus.
Plus loin, vous dîtes :
« La raison pour laquelle la science a fleuri au 16e et au 17e siècle fut précisément grâce à la croyance que les lois de la nature qui étaient alors découvertes et définies reflétaient l’influence d’un législateur divin. »
Là aussi, un recadrage s’impose.
On ne peut pas laisser revisiter l’Histoire et laisser dire que les progrès scientifiques réalisés à cette époque sont dûs à l’influence d’un « législateur divin ».
Alors qu’il y a 3 siècles, tous les esprits étaient croyants, c’est bien la primauté de l’esprit scientifique sur la providence, dont la révolution newtonienne est l’illustration la plus marquante, qui fut le point de départ d’une nouvelle ère pour la science.
Enfin, quand vous dîtes :
« Il est en fait plutôt amusant que les scientifiques athées mettent souvent en avant la possibilité d’une vie extra-terrestre intelligente et renient le fait qu’il y a déjà une intelligence supérieure qui existe : DIEU. »
S’agissant de l’éventualité d’une vie, voire d’une forme d’intelligence extra-terrestre,
je pense que le qualificatif « amusant » est peu adapté à la situation si on considère les faits et hypothèses suivants :
Hypothèse :
- l’apparition d’une forme de vie primitive est peut-être un phénomène banal dès lors que les conditions sont favorables.
Faits :
- notre galaxie est riche de quelques 200 milliards d’étoiles, sans parler des centaines de milliards de galaxies qui peuplent l’univers observable, les systèmes solaires propices
à un développement de la vie s’élèvent au bas mot à plusieurs millions.
- le développement d’une vie pluricellulaire est une probabilité non nulle.
- l’intelligence est une solution adaptative du vivant.
- la conscience émerge à partir d’un niveau d’intelligence supérieure.
- la sélection naturelle est en mesure de transmettre des caractères improbables dès lors qu’ils
confèrent un avantage évolutif à une espèce.
Je crains que votre amusement à ce sujet ne soulève un sophisme de plus.
6. Réaction à l’interview de Serge Tarassenko.
Rien de bien nouveau dans cette entretien où le héros principal, au demeurant fort sympathique, ne fait que confesser, ni plus ni moins, un abandon de la raison, qui dans son cas s’est avéré dramatique, l’essentiel de la durée de l’entretien étant consacré à la description de sa dépression nerveuse.
A cet égard, je vous rassure, on peut être athée, parfaitement équilibré et ne pas:
- confondre « face cachée de la réalité » avec « irrationalité »,
- limiter à priori la capacité de la science à décrire ce qui est « connaissable » en créant par ignorance une limite artificielle à l’entendement,
- considérer qu’une « rencontre intérieure» donc personnelle, est une relation « réelle » avec un être transcendant non moins réel.
Nous sommes bien d’accord que la science, à ce jour, n’explique pas tout, ce qui est bien naturel puisque elle est avant tout une démarche d’exploration, et ce n’est pas être scientiste que de considérer son pouvoir non pas comme étant infini mais simplement indéfini, tout comme est indéfinie (pour nous) la réalité dont nous faisons partie.
Autre remarque :
Vers la fin de l’interview, Mr Tarassenko évoque brièvement la théorie de l’évolution et sa contribution à la connaissance humaine, mais précise aussitôt que l’homme dépasse nécessairement le simple cadre évolutionniste, l’élevant pour ainsi dire au rang d’exception, comme s’il était assis au sommet du grand arbre de l’évolution.
Son opinion se fonde sur la considération que la dimension humaine va nécessairement au-delà des simples considérations biologiques ou génétiques et que doit être prise en compte la dimension spirituelle de l’homme.
Mais est-il nécessaire de rappeler, des études récentes l’ont montré, qu’aucune des aptitudes
mentales ou comportementales chez l’homme n’est exclusive.
Qu’il s’agisse de l’altruisme, de la compassion, de l’amour, de l’humour, de la capacité à se projeter dans l’avenir, de la conscience de soi, tous ces comportements se retrouvent à l’état embryonnaire chez plusieurs espèces, et pas uniquement les mammifères supérieurs, mais aussi chez les oiseaux. (qui en passant descendent des dinosaures)
Ceci est la preuve qu’il n’y a pas de différence de nature entre l’homme et les autres espèces
animales, il n’a pas de place particulière, non pas dans l’arbre de l’évolution mais dans le gigantesque buisson de l’évolution, car l’évolution est buissonnante et chaque espèce vivante aujourd’hui est au sommet de sa propre branche.
La seule raison qui puisse faire penser que le statut humain est particulier, c’est l’idée vaine
qu’un système de valeurs peut revisiter ce que l’Univers a mis 13 milliards 700 millions d’années à produire.
Cordialement.
posta01