Le créationnisme et ses errances
Ce message s’adresse à tous les créationnistes et autres adeptes de l’intelligent design qui voudraient faire passer leurs idées comme des thèses concurrentes et sur le même plan que la théorie synthétique de l’évolution.
Il s’adresse également à tous ceux qui souhaitent en savoir un peu plus sur un sujet qui nous concerne tous et dont les réponses apportées par la science nous invitent, à des degrés divers, à nous interroger sur nos croyances, quelles qu’elles soient.
Il ne s’agira pas ici d’attaques contre la foi mais d’une remise en perspective entre certaines catégories comme la science (ce qu’on sait) et la pseudo-science. (ce qu’on croit savoir)
Voici par exemple ce qu’on peut trouver comme affirmations dans la panoplie rhétorique des créationnistes.
« La théorie de l’évolution n’est QU’UNE théorie, elle n’est pas PROUVEE,
« La COMPLEXITE du vivant ne peut être que l’œuvre d’une INTELLIGENCE »
« Les probabilités DEMONTRENT que la vie n’a pas pu apparaître du fait de simples processus naturels »
« La théorie du Big Bang est incompatible avec la thermodynamique » etc…
Petite mise au point :
Pour tous ceux qui se targuent d’avoir un minimum de formation scientifique et qui continuent de véhiculer ces inepties, il est bon de rappeler succinctement ce qui caractérise une théorie scientifique.
Par ailleurs, et pour tous les esprits curieux qui désirent en savoir davantage, je propose en fin
de message une série de sites forts instructifs à visiter sans modération.
1. Qu’est-ce qu’une théorie scientifique ?
Une théorie est un ensemble de propositions « cohérentes » visant à « expliquer » des « phénomènes ». Il ne s'agit pas d'un synonyme de "supposition" ou "hypothèse".
Quand on parle de théorie, on fait référence à un modèle.
Bien sûr, la réalité est toujours plus complexe qu’un modèle, c’est la raison pour laquelle on ne peut pas dire qu’une théorie soit vraie ou fausse à 100%.
Le véritable critère pour estimer la pertinence d’une théorie, c’est d’en mesurer son pouvoir explicatif et prédictif et ce, uniquement dans le cadre de son champ de compétences.
Comme le constate Ken Miller lors d'une conférence, les créationnistes voudraient imposer la notion naïve qu'une théorie est sur un point hiérarchique plus bas que les faits, alors qu'en réalité les théories dominent et expliquent les faits.
Exemple avec la théorie quantique :
Celle-ci postule le modèle atomique. Or, personne n’a jamais observé le noyau d’un atome ou même un électron.
Et pourtant, la théorie est à l’origine du fonctionnement de nos moteurs électriques, de nos télévisions, d’Internet, de nos ordinateurs et autres téléphones portables, etc…
Autre exemple, avec la théorie de la gravitation de Newton :
Personne n’a jamais observé une pomme attirer la Terre. C’est pourtant ce que dit la théorie
et c’est bien ce qui se passe en réalité.
Encore un exemple avec la théorie de la relativité d’Einstein :
Personne n’a jamais constaté dans la vie courante la contraction des longueurs, la dilatation
du temps, ou encore l’augmentation de la masse d’un corps en mouvement ou dans un champ de gravitation.
Pourtant, ce phénomène est bien réel. Il a été constaté (dans les années 1950) lors d’une expérience consistant à mesurer les différences d’écoulement du temps entre deux horloges atomiques (1 au sol, l’autre embarquée dans un avion)
Les GPS prennent d’ailleurs en compte ce phénomène sans quoi les positions au sol seraient
faussées de plusieurs mètres.
Il en est de même pour la théorie synthétique de l’évolution.
L’homme peut avoir cette illusion d’être tellement « spécial » et au-dessus du lot, il n’en est pas moins vrai que toute la biodiversité (l’homme compris) est le résultat d’un processus de diversification et de complexification vieux de pratiquement 3 milliards 700 millions d’années.
Nos très lointains ancêtres à cette époque étaient de simples structures chimiques
auto-répliquantes. Quelle chance et quel bel avenir elles ont eu !
La question n’est pas de savoir si l’évolution a eu lieu, mais comment elle a eu lieu.
Pour illustrer mon propos, voici ce que disait à S.J. Gould au sujet de l’évolution de des créationnistes :
"Les fondamentalistes, en connaissant les réponses avant de commencer (en examinant l'évolution), et puis en forçant la nature dans la camisole de force de leurs idées préconçues discréditée, ne relèvent pas du domaine de la science ou de toute enquête intellectuelle honnête."
«Les humains ne sont pas le résultat final d’un progrès évolutif prédictible mais plutôt une minuscule brindille sur l’énorme buisson arborescent de la vie qui ne repousserait sûrement pas si la graine de cet arbre était mise en terre une seconde fois.»
Georges Charpak et Henri Broch: (Devenez sorciers devenez savants) à propos du créationnisme et du dessein intelligent.
"La charge de la preuve revient toujours à celui qui affirme quelque chose de nouveau
et plus la chose affirmée sort du cadre des lois établies, a fortiori si elle entre en conflit avec ces lois, plus les preuves apportées pour étayer cette proposition doivent être robustes."
2. Science et épistémologie.
Par ailleurs, il me semble important rappeler les principes de l’épistémologie, fondement de la science et en quoi le raisonnement créationniste est défaillant en la matière :
Démonstration :
a) Une théorie doit être falsifiable (réfutabilité – voir Karl Popper).
Or, en cas de difficulté, les défenseurs de cette doctrine pourront toujours avancer l’argument irréfutable « Dieu l’a fait ». La thèse de la création est indiscutable, il s’agit d’un dogme religieux.
b) Les propositions avancées doivent respecter le principe de parcimonie, c'est-à-dire que le minimum de propositions et d’entités nécessaires doivent être postulées.
Or, le créationnisme comme l’intelligent design ne satisfont pas ce principe puisqu’ils postulent un principe irrationnel non testable (Dieu, principe divin, intelligence transcendante)
c) Les hypothèses doivent être validées par l’expérimentation.
Echec total sur ce point également, jamais une expérience n’a pu mettre en évidence la réalité d’un quelconque principe divin. Dieu n’est pas testable.
d) Une théorie doit être en mesure de faire des prédictions non contradictoires.
Là encore, échec complet du créationnisme. Ce paradigme n’est à l’origine d’aucune prédiction à ce jour.
e) Enfin, une théorie est avant tout un résultat, c’est un concept synthétique produit par la mise en cohérence des hypothèses, des faits et des expériences, ses conclusions ne sont pas postulées à l’avance.
En postulant l’existence d’un principe divin, les créationnistes font une fois de plus une entorse grave à un principe de base que doit respecter toute discipline scientifique, le scepticisme.
Finalement, le créationnisme nie la méthode scientifique, il ne peut qu’aller dans le sens d’une déliquescence du savoir puisqu’il postule implicitement que la science ne peut définitivement rien expliquer, ce qui s’oppose à l’objectif poursuivi par les créationnistes eux-mêmes qui ont l’ambition de qualifier de théorie ce qui reste une doctrine religieuse.
Pour ceux qui en doutent encore, oui l’évolution est observée, aussi bien dans les temps historiques qu’en laboratoire.
Mais davantage que les observations directes, ce sont les multitudes de preuves indirectes
qui ont été accumulées depuis plus de 150 ans et venant de disciplines aussi différentes que la géologie, la paléontologie, l’anatomie comparée, la phylogénétique, l’embryologie, la génétique, la biologie moléculaire.
Le faisceau de preuves en faveur de l’évolution ne fait pas de doute, il est même écrasant,
c’est la raison pour laquelle il est admis que l’évolution est un fait.
Pour résumer sur ce point, les discussions actuelles sur la théorie synthétique de l’évolution portent sur certains détails ou encore certains mécanismes évolutifs mal compris, en aucun cas sur ses fondements.
La théorie peut par conséquent évoluer, tout comme la climatologie ou encore la physique quantique… Où est le problème ?
3. La rhétorique créationniste.
Du fait que le paradigme de la création repose sur un dogme (*), le raisonnement créationniste repose nécessairement sur des propositions indécidables voire fausses.
Ainsi, l’argumentaire créationniste se résume à l’auto-justification de la doctrine et la formulation de critiques à l’égard de la théorie de l’évolution, apparemment valides et qui peuvent paraître pertinentes aux néophytes mais qui ne résistent pas à un examen attentif, honnête et surtout objectif.
Parmi l’arsenal dialectique utilisé, notons :
a) Les sophismes et autres paralogismes (Le Big Bang et le 1er principe de la thermodynamique, la vie et le 2ème principe de la thermodynamique),
b) Les mensonges par omission (les fossiles intermédiaires),
c) Les petites phrases de scientifiques extirpées de leur contexte dans le but de soutenir fallacieusement une thèse (l’interview piégée de R. Dawkins, citations hors contexte de S.J Gould),
d) Les fraudes délibérées (fossiles de pas humains avec ceux de dinosaures),
e) L’incompétence notoire (incompréhension de la phylogénétique, l’argument de la complexité irréductible, les probabilités d’apparition de la vie),
f) La diabolisation (darwinisme = nazisme).
g) La manipulation mentale. (développement d’une rhétorique basée sur la persuasion, jamais la démonstration)
Quelques exemples d’utilisation d’enthymèmes:
« La vie est tellement complexe, il est évident que seule une création intelligente en est à l’origine » ou bien:
« La vie nous montre constamment les évidences de la preuve de Dieu » ou bien encore en parlant des probabilités d’apparition de la vie à partir de la matière inerte.
« Qui a déjà vu une montre démontée s’assembler toute seule sous l’effet du hasard ?»
Ici, l’argument consiste à PERSUADER jamais à DEMONTRER.
Dans le dernier exemple, qui est un cas d’école, on utilise une fausse analogie pour convaincre le lecteur.
L’analogie de la montre.
Le problème, c’est qu’une montre, ça n’est pas vivant, ça ne se reproduit pas, ça n’est pas sujet aux mutations ni à la sélection naturelle, il n’existe aucune affinité chimique entre les différents composants et l’auto-assemblage à l’échelle nanométrique est inexistant, à ’inverse de ce qui se passe dans l’univers de la chimie organique.
Par conséquent, l’analogie n’est tout simplement pas représentative du problème.
Exploitation du sens commun.
Effectivement, jamais personne n’a vu une montre démontée s’assembler toute seule, c’est tout simplement impossible.
Ici, l’évidence rejoint le bon sens, l’argumentation semble donc pertinente mais en fait, elle ne l’est pas, l’analogie étant non représentative du problème.
Montrer que le hasard ne peut pas être un moteur de l’évolution.
La fausse analogie permet encore de faire d’une pierre 2 coups.
- montrer l’impossibilité qu’une montre (donc la vie) s’auto-assemble,
- montrer que le hasard est impuissant à générer de l’ordre.
Mais le hasard n’est que ce qui permet au possible de devenir probable.
Or, la fausse analogie rend ici le hasard inopérant.
Tout le monde peut gagner au LOTO, encore faut-il jouer pour que le hasard s’exprime !!!
posta01